SAGUENAY– L’industrie agricole régionale n’a pas le choix de s’adapter elle aussi aux changements caractérisant tous les secteurs de l’économie. C’est ainsi que le concept d’agriculture raisonnée, adopté ces dernières années en Europe et plus particulièrement en France où cette appellation est désormais réservée et normée, fait son apparition au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Cette approche révolutionnaire se définit globalement comme un système de production agricole ayant comme objectif principal l’optimisation du résultat économique dans le respect du bien-être animal, de l’environnement et de la santé du consommateur
Denis Larouche, agronome et directeur-général du Groupe multiconseil agricole (GMA) Saguenay–Lac-Saint-Jean, précise que, face à ce changement, les producteurs de la région font preuve d’ouverture. « Il y a des cas où il y a de la résistance. Cependant, il faut éviter de généraliser, car il y a pas mal de producteurs innovants ».
« Cultiver autrement »
Le concept d’agriculture raisonnée implique une autre façon de travailler, illustre Denis Larouche. « Il ne s’agit pas de réinventer la roue, mais de cultiver autrement. Ainsi, l’automne a toujours été synonyme de labour ; la terre est mise à nu, ce qui a pour effet de l’exposer aux rigueurs des intempéries et, forcément, à des dommages pendant la saison froide. Or, la nouvelle tendance inspirée de l’agriculture raisonnée veut qu’il y ait davantage de cultures à cette époque de l’année. La nouvelle végétation sera enfouie seulement le printemps venu, elle protègera le sol pendant l’hiver. C’est le genre de technique qui a pu se développer au fil des expérimentations et de l’observation des effets de l’eau et du vent sur l’environnement. »
Le Groupe multiconseil agricole a présenté récemment aux producteurs un Guide du bien-être animal. Certains éléments faisant partie de son contenu semblent en avoir surpris quelques-uns, particulièrement attachés à une approche plus traditionnelle de la ferme. « La meilleure façon de contrer la résistance au changement, c’est de faire en sorte que l’information circule. C’est notre rôle d’aller dans ce sens. Par ailleurs, la Covid a ouvert les yeux à pas mal de monde concernant la chaîne d’approvisionnement en nourriture. Pour nourrir la planète, ça prend de la terre et de l’eau et nous sommes assez chanceux au Québec, car ces ressources y sont abondantes Il faut surtout ne jamais perdre de vue que si les entreprises ne font plus d’argent, il n’y aura plus d’agriculture », constate Denis Larouche.
Bien-être animal
À l’échelle canadienne, le bien-être animal est aussi davantage considéré dans les pratiques d’élevage. Ainsi, la nouvelle édition du Code de pratiques pour le soin et la manipulation des bovins laitiers, auquel tous les producteurs laitiers du pays doivent se conformer, a été publié en mars. Elle inclut différentes pratiques révisées afin de prendre en compte les changements dans les pratiques.
Le code entrera en vigueur à compter du 1er avril 2024, à l’exception de certaines exigences ayant une date de mise en oeuvre progressive ultérieure. « À partir du 1er avril 2029, par exemple, les producteurs laitiers devront obligatoirement faire en sorte qu’une vache sur le point de donner naissance à son veau soit laissée en liberté. Elle est présentement attachée. D’autre part, à partir de 2031, les veaux ne pourront plus être seuls, ils devront avoir la possibilité de pouvoir toucher un autre veau. On parle ici d’une maternité. Des producteurs sont déjà rendus là, même s’il y a de la résistance. »
En Europe, précise encore Denis Larouche, une redevance (remise) est versée au producteur pour la protection du jardin agricole. « Ce n’est pas encore le cas au Québec. »
Apport économique majeur
Selon les plus récentes statistiques de l’Union des producteurs agricoles (UPA), le Saguenay–Lac-Saint-Jean accueille sur son territoire plus de 1200 fermes. Les principales productions sont le lait, les petits fruits, les céréales, les oléagineux, les pommes de terre et, enfin, les légumes.
Dans la région, pas moins de 1770 emplois dépendent directement de l’agriculture. Le produit intérieur brut (PIB) relié à cette industrie profondément enracinée dans notre histoire et notre culture se chiffre à 717 millions $, dont 157 millions $ uniquement pour l’agriculture. Le Saguenay–Lac-Saint-Jean compte, en outre, 242 entreprises de production, de transformation et de distribution certifiées biologique.
Rappelons que le GMA compte plus de 40 années d’existence et 400 membres dans ses rangs ; la plupart proviennent du Saguenay–Lac-Saint-Jean, mais la région de Charlevoix commence à y être représentée. Organisme à but non lucratif (OBNL) administré par les producteurs, il se spécialise, entre autres activités, en gestion stratégique, ressources humaines, direction d’entreprise, budgétisation et coaching.