Auteur

Maxime Hébert-Lévesque

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « Agriculture et agroalimentaire : les bénéfices d’une approche collaborative » publié dans notre édition du mois de juillet.

SAGUENAY – Au Saguenay–Lac-Saint-Jean (SLSJ), l’industrie agricole est surtout connue pour sa production laitière et de petits fruits. Toutefois, depuis quelques années, des cultures alternatives et de niches voient le jour à travers nos champs. C’est le cas de l’orge brassicole, une variété de céréales de qualité supérieure qui occupe aujourd’hui une soixantaine de producteurs dans la région.

Le secret de la bière réside dans la fermentation d’un sucre nommé le maltose qui provient du malt d’orge. Le grain doit passer par une étape de transformation appelée le maltage avant d’être utilisée par le brasseur. Ce n’est pas toute l’orge qui peut être maltée. C’est la Commission canadienne des grains qui certifie les variétés d’orge brassicole et qui détermine si les conditions de récolte et d’entreposage sont propres à être traitées en malteries.

Une soixantaine de producteurs chez nous

Présentement, au SLSJ, on dénombre une soixantaine de producteurs. De ce nombre, une dizaine d’entreprises seraient certifiées biologiques, ce qui est notamment le cas de la microbrasserie La Chouape à Saint-Félicien, qui cultive de 40 à 50 tonnes par an. La production annuelle au Québec est d’environ 15 000 à 20 000 tonnes et celle de la région se situe autour de 3500 à 5000 tonnes. Nous participons donc au quart du volume total. « L’orge brassicole pousse très bien ici. À Montréal, par exemple, la température est trop chaude et il est préférable d’y produire des cultures comme le soja ou le maïs. Ici, c’est une niche très intéressante », explique Jacquelin Drapeau, producteur céréalier et détaillant autorisé Semican.

Une culture plus exigeante, mais comportant des avantages

Pour se rendre à la malterie, l’orge brassicole doit respecter principalement ces critères : un taux de germination précis, une teneur en protéines élevée, un bon diamètre des grains et une humidité adéquate. Ces qualités recherchées rendent sa culture et son entreposage plus complexes. Des difficultés rencontrées lors de sa production peuvent mener à sa déclassification. Une problématique que connaît Jacquelin Drapeau.

« Si tu n’as pas eu une bonne germination, tu peux toujours vendre aux meuneries ou encore au secteur de l’alimentation animale. Autrement dit, puisque l’orge brassicole est le grade le plus élevé, tu es certain de ne pas faire de perte parce que tu peux la repasser pour d’autres utilisations. » Pour Louis Hébert, copropriétaire de la microbrasserie La Chouape et producteur céréalier, l’orge brassicole bio ne serait pas rentable en monoculture « Dans le bio, il est mieux d’aller vers une niche comme le sarrasin. Cette céréale est moins compliquée à cultiver et elle se vend deux fois plus cher. L’orge brassicole demeure toutefois très intéressante à inclure dans une culture en rotation. »

De son côté, Jacquelin Drapeau précise que 95 % de l’orge conventionnel qui est produit ici est acheté par la Canada Malting Co pour les grands brasseurs et que le bio, quant à lui, serait repris par les malteries indépendantes pour le marché des bières artisanales. « Un plus avec cette variété de céréales, c’est que les contrats se donnent annuellement. Donc le cultivateur, avant de semer, il va déjà connaître le prix de sa récolte en automne. Un net avantage comparativement aux autres cultures ». Une malterie régionale? À l’heure où l’achat local s’incruste dans la sensibilité des consommateurs, ces derniers recherchent davantage les produits du terroir. Un projet de malterie au SLSJ pouvant transformer les grains produit ici est donc de plus en plus cohérent.

« Tranquillement, nous nous procurons de l’équipement pour traiter l’ensemble de la chaîne de valeur de l’orge. Nous venons de faire l’acquisition d’une machine qui fait de la décortication. Cet équipement permet de produire de l’orge à soupe (barley) et des céréales destinées à l’alimentation animale. Ce sont des alternatives pour notre orge brassicole qui se déclassifierait dans l’éventualité d’une mauvaise saison. Nous sommes présentement sur des études de faisabilité et de rentabilité pour une malterie. D’ici l’an prochain, nous devrions arriver avec des résultats. L’engouement pour les microbrasseries et la croissance de la demande pour différents types de malts donnent la perspective d’un marché intéressant », souligne Jacquelin Drapeau.

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