Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Équipementiers et fournisseurs | Rouages essentiels de notre économie publié dans notre édition du mois de mars.

SAGUENAY – Après avoir connu un essor important dans les années 60 et 70, le domaine des équipementiers et fournisseurs régionaux a aujourd’hui atteint une vitesse de croisière. L’économiste Marc-Urbain Proulx se penche sur les perspectives du secteur.

« Ce n’est pas un secteur qui croît beaucoup maintenant. Ça ne veut pas dire qu’il régresse, mais c’est assez tranquille. Du point de vue public, la région est construite, on construit moins de nouvelles choses. Du côté du secteur privé, on attend des investissements, mais ils ne viennent pas pour l’instant », résume M. Proulx, qui est également professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

Divers facteurs pourraient toutefois contribuer à changer la donne et à créer de l’expansion pour ce domaine. Évidemment, l’arrivée d’un nouveau grand projet au Saguenay–Lac-Saint-Jean viendrait créer une effervescence profitable pour les équipementiers et fournisseurs régionaux.

« Nous avons un port en eau profonde sous-exploité et nous souhaitons attirer des industries à Grand-Anse. L’administration portuaire travaille très fort en ce sens. Ces projets donneraient de l’ouvrage à nos équipementiers », estime l’économiste.

Vers le Nord

Un important potentiel d’accélération pour les entreprises régionales se trouve du côté du Nord québécois. On prévoit qu’il y aura régulièrement des projets sur ce territoire, comme les mines, les routes ou l’énergie renouvelable.

« Beaucoup de nos entreprises œuvrent déjà dans le Nord, mais on oublie souvent que nous sommes une région nordique. Et au-dessus de nos têtes, il y a beaucoup de développement », affirme Marc-Urbain Proulx.

Afin de se positionner dans ce créneau, les équipementiers régionaux peuvent miser sur leur grande expertise et l’expérience développée au fil des ans. « Ils ont un savoir-faire et un savoir-être nordique. Ils sont prêts à aller dans le Nord. Nos travailleurs sont habitués. C’est important de le dire, parce que c’est plus difficile pour un entrepreneur de Montréal qui arrive là-bas. Nous avons développé la nordicité. C’est un facteur favorable », ajoute-t-il.

Ce dernier croit que la région devrait d’ailleurs augmenter ses recherches sur le Nord. « Nous sommes mal positionnés pour ça. C’est l’Université Laval qui fait de la recherche sur le Nord. Nous en faisons un peu, mais nous devrions en faire davantage. Il faut s’intéresser à mieux connaître ce territoire afin que nos entreprises puissent s’y positionner. »

Le numérique

Le domaine numérique présente également un potentiel intéressant pour les équipementiers régionaux. Même si le numérique ne fait pas partie du champ traditionnel de ces PME, il y est de plus en plus présent. La plupart d’entre elles se tiennent, en effet, à l’affût des technologies afin de demeurer compétitives.

« Ce secteur est en pleine évolution. Beaucoup d’investissements qui se font chez les entreprises sont maintenant très technologiques. Aujourd’hui, de plus en plus d’équipements ont une composante technologique », rappelle M. Proulx.

Le développement de nouvelles technologies constitue donc une opportunité pour les équipementiers, surtout que la région pourrait prendre une place importante dans le domaine numérique. « Nous sommes très bien positionnés au Saguenay–Lac-Saint-Jean pour avoir un secteur numérique important. Le créneau des technologies de l’information et des communications (TIC) est encore sous-exploité dans la région. Nous avons un potentiel très important », assure l’économiste. Selon lui, il faut mettre encore plus d’efforts pour rendre le Saguenay–Lac-Saint-Jean attrayant pour ce secteur.

Menaces

Il existe également des menaces pour le développement des équipementiers et fournisseurs régionaux qui doivent être prises en compte. Marc-Urbain Proulx fait remarquer que les ressources naturelles régionales arrivent à la limite de leur exploitation et qu’il existe peu de place pour de nouveaux grands chantiers. Les usines et les équipements publics sont déjà construits, même s’il y aura toujours de l’entretien et du renouvellement à faire pour ces installations.

L’autre risque provient de la faiblesse du transport aérien régional avec le Nord. Ce territoire se développe beaucoup grâce aux fly-in fly-out (navettage).

« Si on veut continuer d’être présents, ce serait bien d’avoir un transporteur ici pour que les travailleurs du Nord habitent au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Actuellement, ce sont surtout des travailleurs de Montréal ou de Québec qui vont sur les projets dans le Nord. Si nous n’avons pas de transporteur du Nord, les projets qui se font là où il n’y a pas de route, on est un peu moins dans le coup. Le Nord peut nous échapper au profit de Montréal », prévient M. Proulx.

Manque de reconnaissance

Par ailleurs, l’économiste considère comme une faiblesse le manque de reconnaissance du secteur des équipementiers et fournisseurs en tant que spécialisation régionale. « La question se pose à savoir s’il devrait être inclus au même titre que l’aluminium, la forêt ou l’agriculture. »

Afin de contrer ces menaces, le champ des équipementiers régionaux doit miser sur ses forces : une masse critique importante, le potentiel d’entretien et de renouvellement des installations et un fort réseau de soutien.

« Il ne faut pas oublier que nous sommes un carrefour nordique important au niveau routier. Nous avons aussi beaucoup de recherche et développement dans différents créneaux comme la forêt, l’aluminium, etc. Ça renforce nos équipementiers », conclut Marc-Urbain Proulx.

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